Accusé de diffamation, l'écrivain François Bégaudeau relaxé (2024)

Le 5 avril dernier, on se demandait si ces commentaires constituent une simple plaisanterie de mauvais goût ou une réelle diffamation sexiste ? On connait à présent la réponse : la 17e chambre correctionnelle a qualifié ces affirmations de « inélégantes » et sur « un registre obscène », tout en soulignant que Bégaudeau cherchait à « rabaisser Ludivine Bantigny, en tant que femme, au regard de sa disponibilité sexuelle exacerbée ».

Cependant, le tribunal a déclaré que, ne renvoyant pas à un fait précis, les propos ne pouvaient être considérés comme diffamatoires.

"Un post malencontreux" ?

La plaignante a reproché à François Bégaudeau d'avoir écrit sur le forum de son site en 2020 que « tous les auteurs » de la maison d'édition La Fabrique, connue pour son engagement à gauche, « étaient passés » sur l’historienne. Face à ces propos, elle avait finalement décidé de porter plainte pour diffamation en raison de l’appartenance à un sexe, une action menée conjointement avec l’association féministe Chiennes de garde. De son côté, l'écrivain s'est défendu en les qualifiant de « sketch ».

Après le procès qui s'est déroulé le 4 avril dernier, Ludivine Bantigny avait critiqué François Bégaudeau sur X, réfutant sa défense qu'il s'agissait d'humour, et le décrivant plutôt comme un comportement sexiste habituel. François Bégaudeau, qui avait décrit ses commentaires comme un « humour beauf » et un « post malencontreux », n'avait pas présenté d'excuses.

Les phrases litigieuses publiées par l'écrivain disaient précisément ceci : « Dans le milieu radical parisien, Ludivine est connue pour être jamais la dernière. Tous les auteurs de La Fabrique lui sont passés dessus, même [Geoffroy de] Lagasnerie. » En guise de défense, l'auteur d'Entre les murs avait notamment expliqué : « Geoffroy de Lagasnerie n’est pas un auteur de La Fabrique et il est hom*osexuel, c’est de notoriété publique. C’était un petit signal pour dire que c’était définitivement, absolument une blague, qu’on peut juger de mauvais goût. Ce n’est pas une faute morale, c’est une faute de goût. »

François Bégaudeau avait encore expliqué que ses tentatives humoristiques incluent parfois des thèmes sexuels, reconnaissant son intérêt pour les sujets plus légers ou triviaux. Il avait défendu son œuvre en affirmant qu’une analyse détaillée de ses trente livres, critiques, articles et pièces de théâtre ne montrerait aucune preuve de misogynie.

Un appel à venir ?

Ludivine Bantigny avait exprimé de son côté le ressenti d'une « souillure » en étant perçue comme « un paillasson sur lequel les hommes passent », et a décrit avoir reçu comme un « coup de poing dans l'estomac ». Elle avait critiqué cet humour comme étant typique du masculinisme et s'était inquiétée de l'effet des propos sur la perception qu'ont d'elle ses étudiants, son partenaire et ses enfants, soulignant la responsabilité de combattre la misogynie pour quiconque se revendique de l'émancipation.

La procureure avait de son côté qualifié les commentaires de Bégaudeau de sexistes, affirmant qu'ils réduisaient l'historienne à un objet sexuel, et a souligné la reconnaissance de son sexisme par l'auteur, indiquant sa conscience des implications de ses actes.

Sophie Soubiran, avocate de Bantigny, avait réclamé 5000 € de dommages-intérêts pour sa cliente, destinés à des associations. Cette dernière, spécialiste de l'histoire sociale et politique de la France des XIXe et XXe siècles, particulièrement versée dans les études sur la gauche radicale et les révoltes populaires, ainsi que l'association féministe Chiennes de garde, co-plaignante dans cette affaire, ont donc finalement toutes deux été déboutées.

« À ce stade je n'ai pas assez de recul pour bien peser cette décision judiciaire, qui en a atterré beaucoup depuis hier et d'abord les avocates. C'est une surprise car la représentante de Parquet avait validé tous les éléments de la plainte. Elle peut d'ailleurs faire appel », a partagé la plaignante dans un thread X.

Et de se demander : « Dans son délibéré, le tribunal souligne que la diffamation se distingue de l'injure. Aurait-il fallu porter plainte pour injure publique? Il me semble qu'elle est bel et bien caractérisée. Mais je ne suis pas juriste. Une femme, simplement. Luttant pour la dignité des femmes. »

Elle souhaite enfin que cette relaxe n'empêche pas les femmes de porter plainte, malgré les difficultés et la douleur, tout en jugeant que cette décision est un coup contre les luttes féministes, et de rappeler que le tribunal a reconnu l'humiliation : « Le double jeu d'un supposé chantre de l'émancipation est immonde», conclut-elle.

L'agglomération de Narbonne avait néanmoins décidé d'annuler la participation de l'écrivain à l'avant-salon du livre prévu le 27 avril. Selon un communiqué du Grand Narbonne, cette décision avait été prise car « l'auteur est actuellement impliqué dans une procédure juridique pour diffamation à caractère sexiste ».

Crédits photo : Francesca Mantovani / Gallimard

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